Titre complet: La légende de la mort
en Basse-Bretagne.
Auteur: Anatole Le Braz
Maison d'édition française: plein
(archiPoche pour la version poche et Au Bord des Continents pour la
version illustrée)
Date de publication: 1893
Nombre de pages: 461
Une recueil d'histoires présumées
vraies et de superstitions entourant la mort et l'Au-delà en
Bretagne...
Breizh SWAG |
Anatole Le Braz est probablement le
plus grand écrivain breton. Né en 1859, il est professeur et
conférencier spécialisé dans le folklore de sa terre natale des
Côtes d'Armor. Il fut toujours publié en français malgré sa
parfaite maîtrise des dialectes bretons (du coup, ses poèmes sont
quasiment tous inédits). Un comble pour cet acteur essentiel du
mouvement régionaliste breton de la fin du XIXème. Ce grand
attachement ne l'empêchera pas d'être un homme du monde qui donna
des conférences , au profit de l'Alliance française, jusqu'aux
Etats-Unis. Il mourut en 1926, laissant derrière lui une œuvre
abondante, tant romanesque que ''sociologique'' ou folklorique.
La Légende de la Mort est certainement
son ouvrage le plus connu, et pour cause!! Il s'agit clairement d'un
témoignage de première main sur ce folklore et ses traditions que
l'auteur affectionnait tant. Sur près de 500 pages, on découvre
nombre d'histoires, dont certaines font plutôt froid dans le dos. La
vivacité de la culture celtique est au cœur de l'oeuvre, qui nous
montre une Bretagne singulière, à part dans le territoire français
qui n'a eu de cesse de s'uniformiser au fil du temps. Les vieux
contes ont la peau dure et continuent de rythmer la vie quotidienne
des habitants de ces régions rurales.
Le découpage du livre est très
efficace. Chaque chapitre est consacré à une thématique:
intersignes (signes avant-coureurs de la mort), sort réservé aux
noyés, Enfer, Paradis et, bien sûr, l'Ankou...
Il convient de revenir sur cette figure
centrale des mythes bretons. L'Ankou (que l'on aperçoit dans Kaamelott, par exemple) est un vieil homme pâle
utilisant un vieille charrue grinçante pour collecter, avec l'aide
deux acolytes, les âmes des morts. Munie d'une faux à la lame
inversée, il est en somme une version masculine de la grand
Faucheuse, autant craint que respecté par les bretons qui frémissent
à l'idée de le croiser sur une petite route la nuit...Bien
qu'important, il n'est présent que dans un seul chapitre du livre,
qui a bien plus à raconter.
Les histoires qui nous sont contées
ont souvent une dimension morale et sont autant des mises en garde
que des récits idéaux pour une veillée au coin du feu. On est
souvent effrayé ou un peu triste face au désespoir qu'ils
renferment. Mais, de temps à autre, une belle histoire émerge,
comme un diamant au milieu du charbon. En ce sens, celles consacrée
à Ys (l'Atlantide bretonne) sont assez belles, voire épiques. Certaines ont carrément un
côté épique et forment de brèves épopées. La rédemption est
toujours présente, et on sent l'influence de la culture chrétienne
sur ces vieux mythes.
Le style est efficace, usant de
l'oralité comme il se doit (Anatole ayant littéralement battu la
campagne pour collecter toutes ces histoire de la bouche de ceux qui
les ont vécues ou entendues). On est pris dans l'ambiance et les
nombreux passages en Breton sont traduits ce qui rend le tout très
accessible. On se croit marcher dans les pas de Le Braz en lisant son
ouvrage très vivant.
Une maison de Korrigan, pour détendre l'atmosphère et parce qu'il faut bien parler de Korrigans |
Au fil des décennies, ce livre s'est
avéré être l'un des plus prisés des amateurs de folklore. Il a
connu de nombreuses éditions, mais je vous en recommande deux: la
première en version poche avec une superbe gravure de Gustave Doré
en couverture (plutôt à propos) et préfacée par Claude Seignolle
(un spécialiste de ces questions), la deuxième richement illustrée
et éditée chez Au Bord des Continents (qui est une formidable
maison si vous aimez la fantasy et ses sources légendaires).
En bref, si vous aimez la Bretagne et
sa culture ou que vous intéressez au folkolore de manière plus
général, voilà un incontournable à lire au moins une fois. On ne voit qu'une partie du riche folklore breton, mais la balade est riche et dense.