Auteur: Maxime Lachaud
Maison d'édition: Rouge Profond
Date de publication: 2014
Nombre de pages: 416
Une anthologie du cinéma rural
américain. Centré sur la figure archétypale du redneck
(péquenaud).
Un corpus colossal qui embrasse autant
le documentaire, que la comédie en passant par le film d'horreur...
Essayiste et journaliste français,
Maxime Lachaud s'est imposé comme une référence dans la recherche
autour des arts et de la littérature du Sud des États-Unis. Il est
l'auteur du livre Harry Crews, un maître du grotesque
(K-Inite, 2007), la première étude française sur cet écrivain
sudiste majeur. Attiré par les marges, Lachaud a pu coécrire une
encyclopédie critique du cinéma Mondo (Reflets dans un œil
mort, Bazaar & co, 2010) ou codiriger une anthologie sonore
sur le groupe de science-fiction expérimentale Limite (Aux
Limites du son, La Volte, 2006). Ses entretiens, très nombreux,
pour divers médias (presse, télé, radio) l'ont amené à
rencontrer des cinéastes de toutes nationalités.
Easy Rider et ses redneck meurtriers et fascistes |
Le cinéma américain est un univers
immense. Il a enfanté nombre de figures iconiques et de conventions
qui vont de soi aujourd'hui. Parmi elles, on trouve un drôle de
personnage, le campagnard dégénéré, le consanguin...Empli de
frustrations et de pulsions, il sème le trouble.
Qu'il vive dans le désert texan ou
dans le bayou louisianais, qu'il se livre au cannibalisme ou la
fabrication d'alcool frelaté, il est toujours une effrayante
incarnation de l'altérité. Décliné dans de nombreuses nuances et
de nombreux genres, il fait clairement parti du paysage
cinématographique, à tel point que d'autres pays se sont emparé de
cette figure pour la décliner version ''couleur locale''. Maxime
Lachaud, en grand amateur de culture Sudiste (région où les fameux
rednecks sont légion) a décidé de mettre les mains dans la boue
pour nous conter l'histoire de ces inquiétants personnages.
Son livre est une véritable bible. A
première vue, on pourrait croire que le sujet ne reposerait que sur
un corpus assez maigre ou épars, mais il n'en est rien. Dans un
premier temps, il prend bien le temps de contextualiser, de présenter
la figure centrale de son livre. A travers sa culture, son folklore,
ses pratiques et son Histoire, l'auteur nous dresse un portrait très
riche et plus contrasté qu'il n'y paraît de son sujet,
irrémédiablement lié au Sud des Etats-Unis. Il nous parle des
influences littéraires (Faulkner, McCarthy, Harry Crews...), esthétiques qui ont amené à la
construction progressive de cet univers Sudiste, plein de bruits, de
peine et de fureur. Puis il attaque avec de lointaines racines qui
remontent aux origines même du cinéma avec un grand nombre de
métrages muets. Cette mise en place est certes longue mais n'en est
pas moins passionnante et nécessaire, que l'on soit un novice ou non, tant on y apprend nombre de choses.
Brad Dourif dans Le Malin |
Vient ensuite la deuxième partie qui
se focalise sur l'âge d'or du cinéma rural américain, les 70's. On
y aborde bien sûr les deux immenses chef d'oeuvre que sont Massacre
à la tronçonneuse et Délivrance qui
ont donné leurs lettres de noblesse au redneck movies tout en
transcendant les simples limites du cinéma d'exploitation. Car, bien
souvent, il sera question de cinéma Bis. On y parle des films de Russ Meyer, de Roger Corman ou de Lloyd Kaufman, qui
auront fourni les drive-in Dixie pendant des années. Comédies,
films érotiques ou pornographiques, films d'horreur avec ou sans
monstres, survival...Le redneck est vendeur est sera décliné à
toutes les sauces. On y trouve autant des films de propagande
religieuse complètement fous que des documentaires sur les
trafiquants d'alcool des Appalaches. Mais il y aussi de grands films: La Nuit du Chasseur, Les Nerfs à Vif... On croise Burt Reynolds, Ned
Beatty, Brad Dourif... Des entretiens avec de nombreux acteurs,
réalisateurs et producteurs (dont les indispensables Tobe Hooper et
John Boorman) ont permis à Lachaud de nous livrer nombre d'anecdotes
et de pistes de lecture pour ces œuvres diverses et (a)variées. Il
ne néglige jamais le sous texte parfois étonnant que ces films,
souvent de ''mauvais genre'' peuvent porter (politique, critique du
racisme et de l'Histoire américaine en général...).
Le joueur de banjo flippant de Délivrance |
Dans
une troisième partie, il évoque l'impact de ce choc originel des
70's sur le cinéma mondial. On y parle de films qui reprennent les
conventions et codes de ces œuvres en les adaptant à d'autres pays
(Wolf Creek en
Australie, Calvaire et
La Traque en
France...). Les hommages plus ou moins appuyés (les films de Rob
Zombie ou encore Killer Joe
de William Friedkin, entre autres). Mais aussi pléthore de
documentaires visant à nous montrer le Sud, le vrai et ce qui l'ont fait
et le font encore aujourd'hui.
Searching for the Wrong Eyed Jesus un documentaire sur la country sombre du Sud |
Particulièrement
riche, atypique dans son sujet mêlant sérieux et exhaustivité,
Maxime Lachaud nous livre un indispensable richement illustré et
documenté. Son prix d'une cinquantaine d'euros est plutôt justifié
vu la qualité de l'ouvrage. Un travail de recherches et de
documentation énorme, parfaitement lisible et en tout
point passionnant.